Eveil, 2024, encre et acrylique sur tissu marouflé sur papier, 29 x 81 cm
L'alchimie de l'invisible et du sacré : l'interstice et le yūgen L’œuvre de Dominique Meunier transcende les frontières de la perception conventionnelle et se distingue par une exploration philosophique de l'invisible et du sacré, des interstices du réel et de la matérialité, invitant le spectateur à une introspection sensorielle et spirituelle. Sa démarche vise à créer des œuvres qui sont des fenêtres sur des paysages intérieurs, des méditations sur l'impermanence et la résilience, et des invitations à percevoir la poésie cachée dans les interstices du temps et de l'expérience, où la matérialité devient le véhicule d'une connexion profonde avec le mystère du monde. Chaque œuvre se conçoit comme une "peau du temps et de l'expérience", un palimpseste élaboré en technique mixte. Les couches successives d'acrylique, d'encre, d'huile, de pigments naturels et de mortiers au sable sont appliquées selon les besoins de la composition et des sensations qu'il souhaite transmettre, permettant aux traces du passé d'enrichir le présent de manière significative. La singularité de sa vision artistique est intrinsèquement bâtie autour des concepts d'interstice et de yūgen. L'interstice est pour lui bien plus qu'un simple espace physique ; c'est un seuil, un point de jonction et de tension où la lumière filtre, où les opposés se rencontrent et où l'invisible se manifeste. Qu'il s'agisse des branches d'un arbre s'ouvrant sur le ciel, des plis d'une montagne ou des nuances entre deux couleurs, ces failles deviennent des lieux privilégiés de révélation et de contemplation. Le concept japonais de yūgen, cette beauté mystérieuse et profonde qui invite à une contemplation silencieuse et à une émotion subtile, imprègne chacune de ses œuvres, conférant à son art une authenticité et une profondeur singulières, immédiatement reconnaissables. Elles ne livrent pas tout d'un coup, mais invitent à une méditation prolongée pour en saisir toute l'essence. Le processus créatif est un rituel de dépouillement et de reformation, une quête de l'essence inspirée par une expérience personnelle marquante qui a transformé un memento mori en un puissant memento vivere, une invitation puissante à embrasser la vie dans sa plénitude. La lumière et l'ombre, souvent en contraste, sont sculptées par une palette de couleurs contenue, dominée par les ocres, les terres et les noirs profonds, ponctués d'éclats lumineux. Ces teintes évoquent la matérialité et le passage du temps, symbolisant le mystère et la mémoire enfouie. Ses compositions, traversées de subtils flux de lumière insufflent une dimension sacrée au tangible, où chaque trait et chaque couche participent à un dialogue entre le visible et l'au-delà. Deux séries emblématiques, les "Franchissements : entre ce qui est et ce qui mue" et les "Suites Célestes de l’Invisible et des Apparitions", illustrent cette quête. Elles utilisent des éléments naturels comme l'arbre (symbole de l'interstice vertical et de la résilience) et la montagne (métaphore de l'élévation et de la permanence) pour créer ces paysages qui sont des portails vers la transcendance, offrant un langage pictural profondément ancré dans le temps, le silence, l'émotion et le mystère. À travers ses œuvres, véritables "apocalypses" (au sens de dévoilements), il cherche à capturer l'essence invisible de ces éléments, les transformant en "géométries psychiques" qui dialoguent avec l'âme du spectateur. C'est une démarche artistique qui valorise le subtil, le non-dit et le profondément humain, poussant sans cesse les "limites de la perception" pour révéler la richesse insoupçonnée de ce qui nous entoure. Ce faisant, il nous invite à aiguiser notre regard pour déceler les subtilités, les frémissements, les jeux de lumière et d'ombre qui révèlent des dimensions cachées du réel afin que chacun puisse explorer ces zones de transition dans son existence pour y trouver sa propre résonance, sa Lumière, et une connexion renouvelée au mystère du monde. |